L’AGROMINE
Le concept
A partir de ces cendres, on va récupérer des sels de nickel qui pourront être recyclés dans l’industrie. C’est ce qu’on appelle de l’agromine, littéralement, la culture du minerai. Elle mêle science des sols, agronomie, microbiologie des sols et génie des procédés.


Le nickel
À quoi ça sert ?
Le nickel, vous en avez tous eu entre les mains. Allez jeter un petit coup d’œil dans votre porte-monnaie… Les pièces de 1 et 2 euros sont toutes deux composées de nickel et d’alliages de nickel. L’utilisation du nickel rend ces pièces particulièrement résistantes à la corrosion, à l’oxydation et à l’usure du temps.
Mélangé à l’or, c’est aussi lui qui donne son aspect argenté à l’or blanc.
D’ailleurs, pur, le nickel est un métal d’apparence argentée.
C’est dans l’industrie que le nickel est le plus utilisé. Le nickel métallique est utilisé dans environ 3000 alliages, qui présentent plus de 250 000 applications. Ces alliages de nickel y sont appréciés pour leurs propriétés physiques et chimiques. Ils ont, en effet, la particularité d’être très résistants aux chocs, à la corrosion et aux variations de température. Ils sont un matériau de choix dans l’industrie automobile.
D’où vient ce nickel ?
Actuellement, le nickel est surtout issu de l’exploitation minière et du recyclage de l’industrie. En 2013, la production mondiale de nickel se répartit comme suit.
Aujourd’hui, les gisements les plus riches et les plus concentrés ont été épuisés comme pour nombre d’autres métaux et sont remplacés par des gisements plus vastes aux teneurs plus faibles. La demande de nickel mondiale est sans cesse croissante. Par conséquent, l’industrie minérale ne pourra pas se passer de ressources dites « secondaires », obtenues grâce au recyclage des gisements de déchets urbains, à l’utilisation et à la réutilisation des minerais à basse teneur ou des stériles miniers.
Dans la nature, on le trouve principalement sous forme de latérite et de sulfures de nickel. L’industrie minière exploite ces deux types de minerai si leur teneur en nickel dépasse 1,3 %.

Quels substrats pour l’agromine ?
Région ultramafiques
Ces régions se caractérisent par des sols naturellement riches en nickel (jusqu’à 50 fois la concentration normale) mais pas assez pour intéresser l’industrie minière. Pourtant, ces roches ultramafiques sont répandues en Europe et occupent plus de 10 000 km². Ces sols sont également présents dans des régions tropicales telles que Cuba, la Nouvelle-Calédonie ou l’Indonésie.
La présence de ce nickel rend les sols peu fertiles pour une agriculture classique. On y trouve souvent des petits agriculteurs, qui y pratiquent une agriculture vivrière ou de l’élevage. C’est aussi dans ces régions qu’on trouve un certain nombre d’espèces hyperaccumulatrices endémiques qui se développent spontanément.
Où les trouve-t-on ? Entre autres, en Albanie, en Espagne et dans le nord de la Grèce.

Paysage ultramafique d’Albanie
Carrières et mines de nickel
Dans le cas des carrières, le sol contient suffisamment de nickel pour intéresser l’industrie minière. Deux applications de l’agromine y sont possibles : soit en utilisant les déchets miniers qui contiennent encore des résidus de nickel ; soit en revégétalisant la mine avec des plantes hyperaccumulatrices après la fin de son exploitation.
Où les trouve-t-on ? Dans les carrières de serpentines et les mines de nickel.
Déchets industriels
L’industrie est un des principaux consommateurs de nickel. Il est notamment très apprécié en métallurgie pour ses propriétés physico-chimiques. Par conséquent l’industrie génère une quantité de déchet nickélifère. On peut dès lors recycler le nickel de ces déchets en les utilisant pour faire pousser des plantes hyperaccumulatrices.
Où les trouve-t-on ? Auprès des industries métallurgiques et automobiles surtout.
Les plantes hyperaccumulatrices

Ce qui peut sembler être une bizarrerie est en fait le fruit d’une adaptation génétique de la plante à des environnements fortement minéralisés. Les végétaux hyperaccumulateurs sont des acteurs de la biodiversité des régions ultramafiques. Dans chaque région du monde où le sol est riche en nickel, on trouve des espèces hyperaccumulatrices endémiques. L’un des enjeux du projet est aussi d’apprendre à domestiquer ces espèces sauvages pour en faire la culture.
Les plantes hyper-accumulatrices

Plante à fleurs jaunes, originaire d’Albanie. Elle est capable d’accumuler 100 kg de nickel par hectare avec une conduite agronomique classique et des quantités de fertilisants compatibles avec les pratiques locales

Plante à fleurs blanches, on la trouve notamment dans le nord de la Grèce.

Plante à fleur blanche que l’on trouve aussi dans le nord de la Grèce.
Comment cultive t-on ces plantes ?
La culture de plantes hyperaccumulatrices a été optimisée et améliorée comme les autres cultures de manière à obtenir des rendements économiquement viables. Pour cela il a fallu comprendre les besoins de la plante en nutriments et compenser les carences des sols pour obtenir une fertilisation optimale. Une culture d’Alyssum murale exporte par an environ 100 kg d’azote, 90 kg de calcium, 40 kg de Phosphore et de potassium par hectare. Il faut donc compenser ces retraits du sol par des apports (fertilisants, fumiers, composts).
Aujourd’hui les efforts de la recherche agronomique pour optimiser l’agromine portent sur la mise en place d’une production agro-écologique plus respectueuse de l’environnement et des ressources naturelles. Ainsi on essaie de placer la culture dans une rotation après des espèces légumineuses qui fixent l’azote de l’atmosphère, on joue la complémentarité entre les cultures. On utilise des amendements organiques (fumiers, composts) en substitution des engrais de synthèse et on fait travailler les bactéries et les animaux du sol pour aider les plantes à mieux croître et à absorber du nickel.
De la plante au nickel
Les plantes sont récoltées et transformées avec pour objectif de récupérer le nickel qu’elles contiennent. La première étape est une phase de combustion qui permet de concentrer le métal dans les cendres et également de produire de l’énergie. Cette énergie peut servir à chauffer des bâtiments ou à produire de l’électricité. Les cendres, quant à elles, sont traitées pour extraire le nickel dans de l’eau. On parle d’hydrométallurgie. Une succession d’opérations permet de le purifier et de le concentrer. Toutes ces opérations ont été optimisées pour être les moins polluantes possibles, en étant les plus rapides et en consommant le moins de produits chimiques. Finalement, différents composés utilisés dans l’industrie sont fabriqués avec des puretés conformes aux exigences des clients.
Comme pour tout procédé chimique, des co-produits sont formés lors des phases de transformation et particulièrement le reste des cendres. Cependant, ces derniers présentent des caractéristiques chimiques et une valeur agronomique intéressantes. Ils peuvent donc être très utiles pour la culture des plantes hyperaccumulatrices. Ainsi, la boucle est bouclée.
